Sur place ce qui attire le plus l’attention du visiteur reste cette sorte de galerie d’art à ciel ouvert qui fait le décor tout au long de l’avenue. C’est ici que les vendeurs des tableaux de peinture sous-verre ont élu domicile. Sur les mur des immeubles et bâtiments bordant la rue, sont accrochées ces peintures dessinées sur une plaque de verre et apposées sur un fond en carton. Des images aux belles couleurs scintillent et font parfois un effet miroir. Le décor est surréaliste. Pittoresque.
Très connus des Sénégalais et bien apprécies des étrangers lesquels sont par ailleurs les premiers clients, les tableaux sous-verre sont une spécificité de l’art sénégalais. Mais aujourd’hui les gens qui gagnent leur vie à travers la vente de ces objets d’art se voient confrontés à un problème d’écoulement de leur produit au sein de l’avenue Peytavin qui, n’est, à les croire, que la conséquence d’un manque d’espace et l’effet des rabatteurs. A tire illustratif, Malick Sy, ce jeune vendeur, la trentaine bien sonnée, exerce cette activité depuis belle lurette.
Il a pignon sur rue dans cet endroit pour y avoir passé une belle partie de sa jeunesse. «Je peux vous avouer que c’est devenu très difficile. Les clients sont devenus des oiseaux rares. Il m’arrive de rester une semaine sans pour autant vendre un seul tableau», fulmine-t-il, l’air désespéré, le regard hagard. Pis, ce qui irrite le plus notre interlocuteur, reste l’encombrement de son étal.
A l’en croire, l’espace était jadis réservé aux vendeurs des tableaux sous- verre. Aujourd’hui, l’envahissement de cet endroit par des marchands d’objets divers, venus s’implanter de manière informelle, fait écran à leurs étals. Ce faisant, il est difficile d’avoir une vue d’ensemble de leur l’exposition à une certaine distance. C’est le même son de trompette chez son ami Diallo.
Ce dernier estime être sur place juste pour tenter sa chance. C’est révolue la période faste où il gagnait beaucoup d’argent en fin de journée. «Depuis un certains temps ça ne marche pas vraiment. Il m’arrivait auparavant d’avoir 5 à 10 mille Francs Cfa par jour mais actuellement je suis là juste pour faire passer le temps », témoigne le jeune Sy.
Les rabatteurs indexés
Les rabatteurs n’ont bonne presse chez les vendeurs des tableaux sous-verre. Beaucoup sont ceux qui leur imputent la responsabilité de leur dégradante situation. Ils sont accusés comme des personnes nuisibles à l’essor de ce commerce, en détournant souvent le client du vendeur. A en croire, les commerçants, ils proposent 2000 francs au client pour un tableau qui coûte en principe 1000francs Cfa. «Les rabatteurs polluent nos affaires et ternissent notre image», se désole Malick.
Toutefois, même s’ils ne sont pas visibles dans cet endroit à cette heure de la matinée, ils sont accusés à tort ou à raison d’être responsable du mauvais temps que vivent les vendeurs des tableaux- sous verre lesquels usent de toutes les occasions pour se défouler sur eux.
Face aux difficultés du présent, les vendeurs de ces objets d’art souhaitent avoir un jour un endroit bien aménagé où ils auront la possibilité d’exposer normalement leurs produits. Ils soutiennent que ce serait une façon de valoriser davantage le secteur du tourisme, mais aussi l’image de la culture sénégalaise. «Nos tableaux mettent en valeur des symboles forts et représentatifs, des figures historiques et religieuses comme Lat Dior, Cheikh Amadou Bamba …», argue Pape.
Les tableaux sous-verre véhiculent des scènes et des contextes typiquement locaux. Les réalités de la société sénégalaise y sont bien présentes. La femme noire aussi n’est pas en reste, elle demeure la muse de ces artistes. Elle étale son charme et son élégance sur presque toute la moitié de la totalité des tableaux exposés sur l’avenue Peytavin